Quel type de tourisme veut la Colombie pour l'avenir ? Comment le pays souhaite-il se développer ? Quelle est la place donnée au tourisme responsable (ou durable) en Colombie ?
Depuis les accords de paix, le tourisme en Colombie a explosé. Nous sommes pour le moment bien loin des destinations les plus touristiques de la planète en termes de fréquentation, mais clairement on sent que la Colombie devient une destination tendance.
Ce phénomène est à la fois positif et à la fois effrayant, car même s'il y a eu beaucoup de changements, le pays n’est pas toujours prêt et il va devoir continuer à s’adapter très rapidement à cet afflux de touristes qui ne cesse d'augmenter.

Poster “Café de Colombia”
Offrez(-vous) notre affiche illustrée
Quelle est la situation en Colombie ?
Tourisme responsable (ou durable) en Colombie

Lors de notre dernier voyage, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui œuvrent pour le changement, pour un tourisme différent. Ces rencontres ont été riches et nous ont montré que le tourisme peut être porteur d’espoir. Mais tout n’est pas rose en Colombie et il est important de comprendre comment le tourisme peut provoquer des dégâts.
Lorsque l’on connaît la Colombie depuis longtemps et que l’on voit ce qu’est devenu Cartagena, Isla Baru, Playa Blanca, Taganga, Palomino, Salento… on ne peut que constater l’aspect dévastateur du tourisme sur la vie locale.
Pollution
Sur des plages comme Playa Blanca la pollution liée au tourisme de masse est devenue critique, les constructions poussent comme des champignons sans réflexion sur leur impact, les touristes veulent toujours plus de services, toujours plus de funs, alors on vient les divertir avec des tours de jet skis accessibles directement depuis la plage, bref Playa Blanc est devenu ce que le tourisme peut provoquer de pire en Colombie.
La pollution plastique est un problème majeur dans le monde, la Colombie y comprise. Les Colombiens sont mal éduqués sur la question, les programmes de collecte des déchets totalement insuffisants, notamment dans les régions les plus reculées, et la gestion du recyclage des déchets est quasiment inexistante dans le pays. En résultent des situations dramatiques et ingérables dans les villes, sur les plages, dans le désert… partout.
Exode des habitants
Dans des villages comme Salento, le tourisme a explosé et les prix de l’immobilier avec, provoquant l’exode des habitants. Les étrangers proposent des sommes astronomiques pour acheter les maisons et pouvoir y faire du business. Les habitants partent également pour fuir l’afflux massif de touristes qui a ruiné leur tranquillité de vie. Le village se vide de son âme. Les investisseurs pour la plupart étrangers prennent le pouvoir, ouvrent des commerces, des hostals, les locaux deviennent des salariés, et la vie locale disparaît. C’est un phénomène que l’on retrouve à Cartagena, à Palomino, et qui risque d’arriver ailleurs si rien n’est fait.
Il est évident que les destinations n’étaient pas préparées à accueillir autant de monde. Les gouvernements réagissent après la bataille pour tenter a posteriori de réguler cet afflux touristique et ses conséquences. Espérons qu’après les annonces, suivent des actes concrets.
Narco Tourisme
Voilà une autre plaie du tourisme en Colombie, et pour le coup, les voyageurs ont une responsabilité immense dans le développement de ce type de tourisme mortifère. La ville de Medellín tente de tordre le cou à l’image de Pablo Escobar rendue cool par le succès de la série Narcos, pourtant les narcos-tours continuent à pulluler pour le plus grand plaisir des ignorants et des amateurs d’odeur du sang.
Sauf que Pablo Escobar N’EST PAS un personnage de roman ! Pablo Escobar a le visage de la mort, il représente terreur, tortures, exécutions, massacres, viols, extorsions… Il représente une période terrible de l’histoire de la Colombie. Et toi le touriste quand tu veux faire le Pablo Tour à Medellín, tu sais ce que tu fais ? Tu appuies sur la tête du peuple colombien pour qu’il ne puisse surtout pas sortir la tête de l’eau.
Aujourd’hui on entend même qu’il existe des tours informels pour aller vivre la vie des chimistes dans les labos clandestins ! Non, mais sérieux ?
En fait le trafic de cocaïne ce n’est pas fun et rigolo, c’est un fléau contemporain : on parle de milliers d’hectares de déforestation, on parle de pollution des sols et des cours d’eau, on parle de groupes armés et de narcotrafiquants qui tiennent dans leur main la vie de milliers de familles, paysans, hommes, femmes, enfants, passeurs, mules, rançon pour être en sécurité… On parle d’hommes et de femmes qui vivent dans la peur et la misère pour que toi le touriste décérébré tu frissonnes comme dans une série TV et te la mettes bien profond dans les narines ! Mais tu la sens la mort dans tes naseaux ?
Tourisme “hors sol”
Dans des destinations reculées comme Leticia en Amazonie on assiste aussi à des comportements d’agences et d’hôtels irresponsables : on creuse les mêmes ornières et on ne propose aux touristes qu’une vision superficielle de la richesse naturelle et culturelle de la région amazonienne, on propose des hébergements de luxe avec climatisation pendant que la population à un accès restreint à l’électricité, on fait venir des stocks de nourriture destinés en priorité aux touristes pendant que la population mange difficilement a sa faim…
Ce tourisme “hors sol”, déconnecté de la réalité, déconnecté des conditions de vie locale, est un tourisme que l’on va retrouver à divers endroits du pays, alimenté par les exigences des voyageurs eux-mêmes complètement insensibles aux régions qu’ils visitent.
Des raisons d’espérer
La Colombie est le deuxième pays avec la plus grande biodiversité au monde. Tous les écosystèmes du continent sud-américain y sont réunis et la diversité de paysages y est exceptionnelle.
Chaque région possède ses particularités, sa culture, ses coutumes, des traditions riches et encore vivantes. La population afrodescendante est l’une des plus importantes du continent latino-américain. Il y a plus de 80 communautés indigènes vivant en Colombie et parlant plus de 60 langues différentes. La Colombie est l’une des sociétés les plus diversifiées au monde.
Depuis 2016, un processus de paix est en marche pour mettre fin au conflit armé qui traumatise le pays et les colombiens depuis plus de 50 ans. De nouvelles régions jusqu’alors impossibles à visiter s’ouvrent au tourisme et permettent aux populations locales d’imaginer un avenir différent.
Toutes ces raisons et beaucoup d’autres nous permettent d’espérer qu’un jour les colombiens se rendent compte de la chance incroyable qu’ils ont de vivre dans un si beau pays et que le gouvernement comme la population arrive enfin à travailler main dans la main pour protéger cette richesse.
Tourisme et processus de paix
De nombreux projets liant le tourisme et processus de paix sont en marche dans le pays. On se rend compte alors du rôle positif que peut avoir le tourisme dans un travail de transition vers la paix, d’ouvertures du territoire et de réintégration des ex-combattants à la vie civile.
Dans le département du Meta, par exemple, le projet “Paraisos Ocultos” a été dessiné par un collectif réunissant membres de la communauté et combattants FARC démobilisés pour permettre aux touristes de découvrir une région longtemps inaccessible. Les randonnées sont accompagnées par d’ex-guérilleros formés au métier de guide. Une porte de sortie pour ces ex-combattants qui ont pu ainsi se former à l’accueil des touristes, aux soins de premiers secours, etc.
Dans le même processus de réintégration des ex-combattants à la vie civile, un groupe d’ex-guérilleros du Caqueta s’est formé au monitorat de guides auprès de la fédération internationale de Rafting. Ils offrent aux touristes leur immense connaissance des rivières, montagnes et jungles environnantes et des services d’écotourismes : randonnées, observation de la faune, descente en rafting.
Ce genre d’initiatives sont pour nous représentatives de ce que doit apporter le tourisme en Colombie. Bien que provoquant des réactions contrastées dans une société colombienne encore très divisée sur la question du processus de paix, ces projets se développent un peu partout dans le pays et nous font espérer à une paix durable en Colombie.
Certification Tourisme responsable en Colombie
Aujourd’hui nombre d’initiatives locales se revendiquent d’un tourisme durable et vont dans la bonne direction. Du petit hôtel qui essaye de respecter des gestes écoresponsables aux agences qui proposent un tourisme vertueux. Une certification pour le tourisme durable existe en Colombie et les agences peuvent accéder à ces certifications. Il s’agit de la norme NTS-TS 003 pour un tourisme durable.
Dans les faits certains acteurs locaux accèdent à des certifications officielles, d’autres se font leur propre sauce et le font bien, d’autres font un peu n’importe quoi et certains on peut le dire n’y voit qu’une opportunité de marché. C’est pourquoi il est important de se renseigner sur les démarches concrètes que mettent en place les acteurs du tourisme en la matière. Cela pousse les acteurs locaux à mieux communiquer sur leurs actions, rendre visible leur travail en ce sens et cela amène les voyageurs à être acteurs et entrer dans une relation de confiance vis-à-vis des acteurs du tourisme.
Le gouvernement a également mis en place des aides pour des projets de tourismes communautaires (émanant du local) avec un principe de sélection et d’appui au développement.
Tous ces aspects positifs nous poussent à croire qu’un autre tourisme est possible en Colombie !
Concrètement on fait quoi ?
Tourisme responsable (ou durable) en Colombie

Pour nous le tourisme responsable est un tourisme où deux acteurs (voyageur et accueillant) s’engagent dans une démarche commune et vertueuse. La notion de “deux acteurs” est importante, car de notre point de vue le tourisme responsable n’est pas la seule affaire de “l’accueillant”. Le touriste lui-même a un devoir, une responsabilité dans sa façon de voyager, il ne doit pas rester passif, simple consommateur.
Comment pouvons-nous participer en tant que voyageurs
- Prévoir un voyage en Colombie d’au moins 3 semaines ou plus
- Se renseigner sur le contexte local (social, historique, naturel)
- Être dans une démarche active de recherche d'acteurs d’un tourisme responsable en Colombie
- Favoriser des activités qui ont un impact local positif (environnement, social, économique)
- Faire un pas de côté pour découvrir un autre visage de la Colombie
- Faire moins mais mieux, ne pas s’acharner à faire le maximum de choses, savoir prendre le temps, explorer, rencontrer…
- Éviter de participer à des activités ou de séjourner dans des hôtels allant à l’encontre de ces principes
SOCIAL
- Encouragez les initiatives ayant un impact social positif
- Respecter les populations locales en adoptant un comportement adapté (propreté, habits, photographie, coutumes, traditions, sécurité, environnement…)
- Entrez en contact, parlez, demandez, allez vers la population locale, les bonnes surprises seront au rendez-vous.
- Ne pas photographier n’importe qui n’importe comment, renseignez-vous, parlez, demandez la permission
- Ne pas participer aux Narcotours ni à tous autres tours traitants de près ou de loin avec le narcotourisme
TRANSPORTS
- Utiliser les transports publics, ils font partie de l'expérience culturelle d'un pays.
- Privilégier les transports en bus en réfléchissant un itinéraire logique fait de petites étapes
- Utiliser les modes de transports doux : marche, vélo, train (bon pour la Colombie, on oublie le train)
- Éviter de prendre l'avion, c'est le moyen de transport le plus polluant.
- Éviter les croisières, elles sont sources de pollution et vecteur d'un tourisme de masse déshumanisé.
ÉCONOMIE
- Faire vivre le commerce local c’est aider des familles à vivre.
- Acheter auprès des petits commerçants plutôt qu’aux grandes surfaces
- Privilégier les artisans, les restaurants, les hôtels tenus par des locaux et non par des étrangers.
- Éviter le marchandage à outrance, les artisans vivent de leur métier, respecter leur travail est important.
GESTES ÉCORESPONSABLES
- Ne pas sortir pas des chemins balisés dans les parcs naturels
- Respecter les interdictions lorsqu'elles sont présentes
- Utiliser les poubelles pour les déchets et utiliser le tri lorsqu'il est proposé
- Si les poubelles ne sont pas disponibles avoir toujours un contenant pour ne laisser aucun déchet derrière soi
- Appliquer le principe du “ne pas laisser de traces de son passage“, laisser l’endroit plus propre qu’on l’a trouvé, ramasser les déchets, montrer l’exemple
- Utiliser des produits écoresponsables : savon sec ou biodégradable, crème solaire respectueuse des récifs coraliens…
- N'achetez pas d'eau en poche plastique, c'est un fléau en Colombie
- L'eau n'est pas potable partout alors c'est difficile de ne pas acheter de bouteilles en plastique, mais lorsque c'est possible utiliser une gourde si l'eau du robinet est potable
- Pour aller encore plus loin il est possible d'utiliser un filtre à eau pour boire l'eau non potable et ainsi de jamais acheter de bouteilles en plastique
ANIMAUX
- Observer les animaux dans leur habitat naturel, c'est la meilleure façon de les admirer et si on n'en voit pas, ce n’est pas grave !
- Adopter un comportement approprié et respectueux (silence, distances…)
- Vérifiez la bonne santé d'un cheval avant d'accepter une balade, un cheval maigre ou blessé est signe de mauvais traitements.
- Ne pas participer aux spectacles d'animaux, les animaux n'y ont pas leur place et sont maltraités
- Ne pas aller dans les zoos et les aquariums, les animaux n'y ont pas leur place
- Ne pas participer à la mal traitance animale : type balade sur des animaux sauvages, nager avec un requin en piscine, approcher un tigre sous sédatif, etc.
- Ne pas donner à manger aux animaux sauvages, ne pas les toucher, etc.
Les acteurs du tourisme local
Faites appel aux agences locales, petites ou grandes, qui adoptent un cahier des charges en faveur d’un tourisme responsable en Colombie. Certaines démarches vont être plus “sérieuses” que d’autres. Renseignez-vous sur leur existence et dans tous les cas posez des questions, demandez aux agences de vous expliquer leur démarche, faites changer les mentalités !
Ce que l’on peut attendre d’une agence à la démarche de tourisme responsable en Colombie :
- Projet en cohérence globale avec son environnement : nature, culture, population
- Tourisme à échelle humaine, “faire moins et mieux”
- Impact positif sur les populations locales (qualité de vie)
- Respect de l'environnement et actions concrètes de préservation
- Actions de sensibilisation et d’éducation auprès des populations locales et des voyageurs
- Projet émanant de ou impliquant les populations locales
- Respect des populations locales et de leur territoire
Science fiction : les devoirs du gouvernement au niveau national
- Application du processus de paix et mise en place sans condition de la justice de transition
- Développement contrôlé et responsable des infrastructures touristiques (hôtels, restaurants, etc.)
- Réglementation sur les investissements étrangers et le phénomène d’exode dû aux prix de l'immobilier
- Quotas, interdictions, pour empêcher la surfréquentation des espaces protégés.
- Mise en place d'une véritable politique de protection de l'environnement
- Programme national de collecte des déchets, notamment dans les zones les plus reculées
- Création d’une véritable politique de traitement et de recyclage des déchets.
- Arrêt des grands projets portuaires, de déforestation et d'extraction minière.
- Plan national de soutien et de protection des leaders sociaux
- Développement du réseau routier et le désenclavement des régions isolées pour aider les paysans à la reconversion
Rêvons qu'un autre tourisme est possible
Tourisme responsable (ou durable) en Colombie

La question qui nous vient finalement à l’esprit c’est : pourquoi cette façon de concevoir le tourisme est l’exception et non la règle ? Pourquoi le tourisme responsable en Colombie n’est pas la règle qui s’appliquerait à toutes les formes de tourisme ?
On ne devrait pas avoir besoin d‘accoler le mot “responsable” à tourisme, cela devrait être la norme et ce sont les autres formes de tourisme qui devraient être étiquetées avec un label : “polluant” ou “destructeur” ou “injuste” !
Ainsi les voyageurs pourraient avoir une vision claire sur l’impact de leur choix dans leur façon de voyager. Mais dans le monde où nous vivons où le respect des hommes et de l’environnement est l’exception et non la règle, on peut rêver… mais si, allez ! On doit rêver !