Nous poursuivons notre série d’articles sur les peuples indigènes de Colombie. Pour cet article nous partons dans le département du Cauca à la rencontre de la communauté indigène Misak dont la majeure partie de la population est regroupée sur le territoire de Silvia près de Popayan.
Il y a plus de 80 ethnies différentes recensées en Colombie et l’idée n’est bien sûr pas de présenter chacune d’entre elles, mais bien de vous parler de celles que nous connaissons et avec lesquelles nous avons un peu échangé.
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Cosmogonie Misak
Peuple indigène de Colombie
La cosmogonie représente les mythologies qui racontent la naissance du monde et des hommes. Il s’agit également d’une certaine vision du monde (cosmovisión en espagnol). Comme tous les peuples indigènes de Colombie et d’ailleurs, les Misak possèdent leur propre cosmogonie dont l’enjeu est d’en préserver les connaissances et la transmission pour la maintenir vivante.
« Piurek », los hijos del agua
Les Misak-Misak viennent des montagnes et des lagunes, c’est pour cela qu’ils se considèrent les « Piurek », los hijos del agua, les enfants de l’eau. La langue Namtrik s’écoule comme un torrent et les Misaks existent depuis toujours, dans le temps et dans l’espace, cheminant aux côtés de la nature.
Comme le jour et la nuit, comme l’homme et la femme, l’eau et les Misaks se complètent.
Dans les hauteurs de la montagne, entre le páramo et la brume, vivent les esprits de la nature : Pishimisak, l’esprit féminin qui repose dans la laguna Ñimbi et Kalim, l’esprit masculin, qui repose dans la laguna de Piendamo.
Dans les temps anciens, des vents froids et violents congelèrent le cœur des lagunes. Puis le soleil est venu réchauffer le manteau de glace qui recouvrait les lagunes. La glace se transforma en eau et les lagunes se mirent à se remplir jusqu’à déborder, provoquant un grand effondrement.
C’est pendant cette catastrophe naturelle que les deux lagunes Piendamo et Ñimbi finirent par se rencontrer et se connaitre. Les deux lagunes s’unirent dans une danse en spirale éternelle. L’aro-iris, L’arc-en-ciel vint alors les féconder et sur cette terre fertile se mit à germer la semence des Misaks.
Cette union des deux lagunes fécondées par l’arc-en-ciel donna naissance à une fille et un garçon « enchumbados » (enveloppés avec le chumbe). Pishimisak et Kalim, les esprits de la nature, sauvèrent les deux enfants.
Le premier feu naissant se mit à éveiller l’amour, faire cuire les aliments, donna un abri et de la chaleur. Les deux enfants sauvés par les esprits formèrent le premier couple Misak. Depuis, les enfants de l’eau dansent dans une spirale éternelle avec le passé devant eux et le futur derrière eux. Ils parcourent les chemins sans jamais cesser d’être Misak.
L’espace et le temps
Dans la vision du monde Misak, le temps n’est pas linéaire. Il n’est pas conçu avec un début et une fin, mais comme un devenir continu, qui s’enroule et se déroule dans une spirale infinie. Cette vision permanente de la vie donne la possibilité de retourner au centre et à l’origine de chaque personne, un centre qui n’est autre que la communauté, la maison, le foyer.
Les Miskak ont un point de référence dans leur conception du temps, à partir duquel ils développent leur espace pour englober le territoire et le monde. Ce lieu c’est le Nakchak (la cuisine, autour du feu). C’est autour d’elle que les membres de la famille interagissent, c’est là que les traditions sont enseignées et que l’on apprend à être un Misak.
Autour de ce point de référence se déploient des spirales spatiales de plus en plus larges, que les Miskak différencient et distinguent dans leur cycle de vie.
Le principe de dualité
La cosmogonie Misak est basé sur le principe de dualité : Le soleil et la lune, le masculin et le féminin, le chaud et le froid… Pour eux, tous les éléments de la nature, les aliments, tout ce qui les entoure est classifié selon ces principes et c’est justement en respectant l’équilibre entre ces dualités que l’harmonie dans le territoire est gardé.
La musique
La musique revêt un rôle central dans le cycle de vie des Misak en ce sens qu’elle va accompagner tous les grands moments de l’existence et les rituels qui les accompagnent.
La musique est une partie fondamentale de la spiritualité, fournissant une sorte de « compagnie » depuis avant la naissance jusqu’après la mort et le retour spirituel.
L’habit traditionnel Misak
Peuple indigène de Colombie
L’habit traditionnel est un des éléments les plus forts de la culture Misak. Il reprend les couleurs du drapeau Misak, qu’un Tatia a rêvé un jour et qui a modifié la façon de s’habiller des Misaks.
Hommes et femmes portent quasiment la même tenue : les femmes portent deux châles, un bleu et un rouge/fuchsia, et une jupe noire, les hommes portent une ruana noire et une jupe bleue. Tous deux vont porter un chapeau, qui traditionnellement est un chapeau plat en paille. une petite œuvre d’art.
Certains détails diffèrent bien entendu, mais c’est surtout la signification de cet habit traditionnel qui est intéressante.
- La couleur rouge représente le sang versé durant la colonisation et durant les luttes du peuple Misak pour la survie de leur territoire et de leur tradition.
- La couleur bleue représente l’eau. Comme on l’a vu précédemment, les Misak sont les enfants de l’eau.
- La couleur noire est le symbole de la « terre mère », la « pachamama » et donc du territoire Misak.
- La couleur blanche symbolise la tranquillité et l’harmonie du territoire sur lequel vivent les Misaks.
Les Misaks se considèrent comme des êtres de passage, la terre, elle, est immuable. Nous devons donc vivre en harmonie avec la nature et ce qui nous entoure. Tout est vivant, les êtres, mais également la terre, les objets, les maisons, etc. donc tout doit être en harmonie avec la nature.
Il y a une phrase Misak qui dit « récupérer la terre, pour tout récupérer » et qui signifie qu’il faut la protéger, la nourrir, la choyer.
Le Tampal Kuari, le chapeau plat Misak
Peuple indigène de Colombie
Tampal Kuari est le chapeau traditionnel Misak. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en arrivant à Silvia et en voyant tous ces chapeaux melons noirs. En effet, le chapeau melon est en fait une mode arrivée dans les années 1960 et venue de Bolivie ! (Qui elle-même avait été importée en Bolivie au 19e siècle par les Anglais…)
Bien qu’il n’ait jamais été totalement abandonné, c’est avec le mouvement de réappropriation culturelle de la fin du 20e siècle que les nouvelles générations ont recommencé à porter le Tampal Kuari.
Aujourd’hui, si les anciens continuent de porter le chapeau melon par habitude, les nouvelles générations (dont fait partie Viviana) tentent de récupérer l’identité culturelle Misak.
Ce chapeau est tressé à la main à partir de la feuille de Tetera (palme) pour former les différents « étages » du chapeau.
Le Tampal Kuari représente le cycle de la vie, comme le pensent les Misaks, en une spirale éternelle. Le sommet et le centre du chapeau représentent le ventre de la mère et la naissance dans la communauté Misak et se développent en spirale jusqu’à atteindre le monde spirituel.
- Le premier cercle de spirale représente donc l’enfant qui grandit jusqu’à faire partie entière de la communauté et participer aux « mingas » communautaires.
- Le deuxième cercle représente l’environnement, le territoire, les montagnes alentour et les autres communautés proches du peuple Misak.
- Le troisième cercle représente le monde « extérieur », les étrangers, les hommes blancs. Les Misaks ont conscience qu’ils coexistent dans un monde plus grand.
- Sous chaque cercle sont cachés des symboles que seuls les Misaks peuvent voir et comprendre. Il s’agit notamment des sites sacrés où l’on va réaliser les rituels d’harmonisation pour vivre en équilibre avec la nature.
Mais tout ce qui unit ces différents cercles c’est la « Pachamama », la terre, sans laquelle il ne serait pas possible de vivre.
Le chapeau plat des Misak utilise trois couleurs :
- le rouge représente le sang
- le vert représente la nature
- le bleu représente l’eau
La Minga
Peuple indigène de Colombie
La Minga revêt une place très importante dans la communauté Misak. La Minga, c’est tout simplement le travail communautaire : se réunir, travailler ensemble, s’entraider. On appelle une Minga lorsque tout ou partie de la communauté se réuni pour aider quelqu’un qui a besoin d’un coup de main pour construire une maison, semer les oignons, récolter le maïs…
Chacun a un rôle et cela s’organise de façon organique sans que personne n’ait à dire ce que l’autre à à faire, tout le monde connait sa place.
Pendant les grandes mingas on va faire chauffer une grande marmite pour donner à manger à tous. Les minga peuvent réunir jusqu’à plusieurs centaines de personnes.
Mais les Mingas ne sont pas seulement manuelles. On parle également de « Minga de pensamiento », un travail de réflexion collective. Cela se passe autour du feu, central dans la vie des Misak, où l’on fait tourner le cercle de parole pour réfléchir, partager sur la culture Misak, régler des problèmes internes, etc. Il existe aussi les mingas familiales où l’on va partager en famille.
Rites et coutumes Misak
Peuple indigène de Colombie
Les grandes étapes de la vie font l’objet de rituels spécifiques : naissance, passage à l’adolescence, mariage, enterrement, etc.
Passage à l’adolescence
À l’apparition des premières règles, les filles Misak doivent suivre certaines règles pour « marquer » leur passage à l’âge adulte. Les filles sont enfermées pendant quatre jours dans une pièce appelée « Michiya ».
Pendant ces quatre jours, la jeune adolescente doit réaliser certains travaux manuels sous la protection de sa mère. Elle va s’alimenter de façon spéciale, on va la baigner avec des plantes médicinales et lui faire porter une tenue neuve. Elle va aussi être accompagnée des anciens qui vont lui apporter des connaissances et des enseignements pour être en relation harmonieuse avec la société et la nature.
Au bout des quatre jours, on réunit une minga familiale et le chaman vient faire un nettoyage spirituel. L’adolescente va devoir danser sur une musique rituelle pour ce moment important. Tout cela pour en quelque sorte se nettoyer le corps et l’esprit et se préparer à la vie d’adulte.
Mariage
Durant les mariages, là encore la musique et la danse ont une part importante et centrale dans la cérémonie. La famille et les invités sont réunis et quand la musique commence, une bougie est allumée et la mariée va devoir danser pendant quatre heures sans s’arrêter. La mariée ne doit pas s’arrêter et la bougie ne doit pas s’éteindre sous peine de malheurs.
Enterrements
Lorsqu’un Misak meurt, la famille fait une minga avec la communauté pour rendre hommage au défunt. Les « invités » déposent dans le cercueil des objets, des aliments ou de l’argent, des choses qui l’aideront dans son voyage vers le « Kansro », le monde des morts.
La veille du mort dure pendant trois jours, et la communauté reste, entourant la famille, et apporte nourriture, bois et argent pour aider la famille.
Décolonisation
Misak, Peuple indigène de Colombie
Avec la Conquista, la colonisation, les évangélisations, les conflits armés, le peuple et la culture Misaks étaient en voie d’extinction. Malgré les combats et les luttes, toutes les formes de colonisation jusqu’à nos jours ont voulu réduire les Misaks à néant dans tous les sens du terme : spoliation du territoire, interdiction de pratiquer leurs traditions, leur pensée, leur façon de voir le monde, et peu à peu la culture s’est perdue.
Réappropriation culturelle
C’est à partir des années 1970 qu’un mouvement de réappropriation culturel s’est développé. Avec la loi de 1991 reconnaissant de nouveaux droits aux peuples indigènes de Colombie, ce mouvement a pu grandir et permettre au processus de « réexistance » de se mettre en place. Les différentes luttes ont permis de récupérer beaucoup de territoire, d’autorité et d’autonomie.
« Recupar la tierra para recuperarlo todo » c’est aussi cela : récupérer la cosmovision, récupérer l’identité, récupérer l’éducation, la territorialité…
C’est notamment par l’éducation que le peuple Misak a repris son identité en main.
Éducation
Comme on l’a évoqué plus haut, c’est dans la maison, autour de feu de la cuisine (le Nakchak), que les enfants apprennent à être un Misak. Ce lieu est central dans l’éducation Misak.
C’est ici en écoutant les adultes parler de la vie, des problèmes dans la communauté, des problèmes dans le monde, de l’histoire Misak, que les enfants se construisent. Et même si bien sûr, l’école est un lieu d’apprentissage important, c’est d’abord par le Nakchak que se forme l’identité d’un Misak.
En parallèle tout un système éducatif Misak a été mis en place pour réapprendre aux enfants la langue, la culture et les traditions. Les enfants peuvent faire un parcours éducatif complet depuis la primaire jusqu’à l’université.
Aujourd’hui 95 % du peuple Misak parle la langue maternelle et quasiment tous les enfants qui partent finir des études à l’extérieur finissent par revenir sur le territoire de Guambia.
Expérience culturelle Misak
Agence d’initiative indigène à Silvia
Tourisme responsable
L’agence de Viviana, indigène Misak originaire de Silvia, propose de découvrir la culture Misak et les beautés naturelles des montagnes de Silvia. C’est l’occasion de soutenir un projet de tourisme communautaire permettant d’avoir un impact positif sur la communauté.
très bel article sur ce peuple indigène e sur le reste du contenu de votre bulletin avec des infos très pratiques, si D. le veut un jour nous irons visiter ces beaux parages grâce à tous ces bon plans que vous mette en ligne un grand merci et bon courage.
un petit refrain pour la route; « no hay mal que dure cien años ni cuerpo que lo resista ».
Merci beaucoup ! 😊